« Manager demande plus d’humilité que de pouvoir »

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« Manager demande plus d’humilité que de pouvoir »

Découvrez l’interview passionnante de Nawfal Marzak, dans laquelle il partage son parcours exceptionnel et sa vision de l’hospitalité de luxe.

Diplômé de Bachelor major de promotion en 2017 à la Luxury Hotelschool, Nawfal a débuté son parcours au sein de maisons prestigieuses telles que le restaurant Georges Blanc, les palaces George V et Park Hyatt Vendôme, et le restaurant Le Chantecler au Negresco, avant de devenir – en 2024 – Directeur de restaurant au Royal Mansour, sublime 5🌟 à Casablanca.

L’ADN de votre établissement ?
Nous avons plusieurs valeurs fondamentales propres à notre Belle Maison, ces valeurs de Respect, Ethique, Passion, Partage et Exemplarité. De ce fait, une devise découle de ces valeurs, « La victoire n’est pas finale, la défaite n’est pas fatale, seul compte le courage ». Une devise très humaniste qui, selon moi exprime une philosophie de vie tournée vers la persévérance et la résilience. Cette devise est partagée à l’ensemble des collaborateurs par Laurent Roussin notre Directeur Général et elle représente beaucoup à mes yeux.
« La victoire n’est pas finale » : Gagner une fois ne signifie pas que tout est acquis pour toujours. Le succès est souvent temporaire, et il ne faut pas s’endormir dessus. Il faut continuer à avancer, à apprendre, à se battre.
« La défaite n’est pas fatale » : Perdre ou échouer ne signifie pas la fin. Ce n’est pas une fatalité, c’est une étape possible dans un parcours. On peut rebondir, tirer des leçons et continuer. Après tout, l’erreur est humaine…
« Seul compte le courage » : Ce qui fait vraiment la différence, ce n’est ni la victoire ni la défaite, mais le courage de continuer malgré les hauts et les bas. Le courage, c’est la force intérieure qui pousse à ne pas abandonner.

La principale exigence de votre poste au quotidien ?
En tant que directeur de La Brasserie française du Royal Mansour à Casablanca, la principale exigence de mon poste au quotidien est d’assurer une excellence constante dans l’expérience client, tout en maintenant une coordination fluide entre les équipes (cuisine, salle, sommellerie, etc.) et en respectant les standards de prestige du Royal Mansour.
Cela implique concrètement :
– Superviser les opérations avec rigueur et élégance.
– Motiver, former et encadrer les équipes pour garantir un service irréprochable.
– Veiller à la cohérence entre la vision du chef Éric Frechon, l’exécution du chef Giovanni Amato, et la mise en valeur en salle.
– Gérer les attentes élevées d’une clientèle exigeante.

Ce qu’il y a de plus gratifiant à votre poste au quotidien ?
Ce qu’il y a de plus gratifiant dans mon poste, c’est sans doute ce moment fugace mais puissant où tout s’aligne parfaitement : une salle pleine, une équipe fluide, une ambiance élégante, des assiettes qui sortent impeccables, et des clients qui nous regardent avec ce petit sourire discret, celui qui dit « merci, c’était vraiment exceptionnel ».
C’est aussi voir mon équipe progresser, quand par exemple un jeune chef de rang prend confiance, quand un serveur anticipe un besoin sans qu’on lui dise, quand un client revient et demande à être servi par un membre précis de la brigade.
Et puis il y a cette fierté silencieuse, intérieure : celle de représenter un lieu prestigieux, un Chef, une maison d’excellence, et que j’y mets ma touche, mon exigence, mon élégance, mon expérience. Je ne suis pas juste en train de gérer un restaurant : avec mes équipes, nous créons une expérience qui marque des gens. Au final, nous sommes toutes et tous des créateurs d’émotions, de nouveaux souvenirs.

La principale qualité d’un bon manager ?
La principale qualité d’un bon manager est selon moi l’écoute active.
L’écoute active ce n’est pas juste entendre, mais comprendre ce que l’autre ressent, ce qu’il ne dit pas, ce qu’il vit dans son quotidien. Un bon manager sait lire entre les lignes, capter quand un collaborateur perd pied, quand une tension monte, quand un talent a besoin de reconnaissance pour continuer à grandir.
L’écoute, c’est aussi ce qui permet d’ajuster le cap sans briser l’élan. C’est ce qui transforme une équipe en collectif, et un poste en mission.
Et cette qualité, quand elle est sincère, elle donne envie aux gens de nous suivre, même dans les moments durs. Parce qu’ils savent que nous sommes là, certes pour diriger, mais aussi pour porter avec eux ce que nous construisons ensemble.

Le pire défaut d’un manager ?
Le pire défaut d’un manager selon moi, c’est l’ego mal placé.
Celui qui prend toute la place, qui croit qu’il sait tout, qu’il a toujours raison, qu’il n’a rien à apprendre des autres. Celui qui dirige pour briller, pas pour élever. Qui confond autorité et autoritarisme, exigence et rigidité.
Un manager guidé par l’ego finit par étouffer ses équipes, freiner les talents, créer du silence là où il faudrait du dialogue. Il devient un mur au lieu d’être un pont. Et à terme, il perd le respect, même s’il garde le titre.
Parce qu’au fond, manager, ce n’est pas dominer, c’est servir. Servir une vision, une équipe, une énergie commune. Et ça demande beaucoup plus d’humilité que de pouvoir.

Les 3 grands enjeux de demain pour l’hôtellerie ?
1. L’exclusivité émotionnelle plutôt que matérielle
Dans l’hôtellerie, ce ne sont plus les dorures ni les mètres carrés qui impressionnent mais plutôt les émotions que l’on fait vivre. Le vrai luxe de demain, c’est un accueil profondément humain, une attention invisible mais juste, une expérience qui touche l’âme. Les clients recherchent de l’authenticité dans l’exception, pas du protocole figé.
2. Une durabilité cohérente avec l’excellence
Le client haut de gamme veut se faire plaisir, mais il veut aussi avoir du sens. Il s’attend à ce que les grandes maisons prennent la parole et aient des engagements sur l’écologie, l’inclusion, la traçabilité des produits. Il ne s’agit plus seulement d’être vert, mais d’être exemplaire, sincère, et cohérent avec l’image de raffinement que l’on incarne.
3. Une innovation discrète mais puissante
La technologie dans le luxe n’est pas là pour remplacer les hommes — elle est plutôt là pour fluidifier. Automatiser sans déshumaniser. Offrir du temps, du confort, de la précision. Le digital doit disparaître dans l’expérience : plus de paperasse, plus d’attente, plus d’effort… juste de l’instantané, dans l’élégance.

En une phrase, je dirais : « Le luxe de demain sera silencieux, sincère et émotionnel. Il ne dira pas qu’il est là, mais il se ressentira dans chaque détail. »

Votre endroit favori dans un hôtel ?
Mon endroit favori dans un hôtel… Difficile d’en choisir un seul, mais je dirais que c’est le lobby et la salle de restaurant.
Pourquoi ? Parce que ce sont les lieux où tout commence et où tout se ressent. Le lobby, c’est le cœur battant de l’établissement. C’est là que l’on capte les premières impressions, l’énergie du lieu, l’élégance silencieuse ou la chaleur accueillante. En quelques secondes, un client décide inconsciemment s’il va se sentir bien ou non.
Et puis la salle de restaurant… c’est là que l’hospitalité s’exprime pleinement. Un fabuleux lieu de rencontre où on y vit les émotions les plus fortes : les retrouvailles, les célébrations, les silences partagés autour d’un plat parfaitement exécuté. On observe, on ressent, on agit. C’est une scène vivante, où chaque détail compte. C’est là que l’exigence devient art.

Si l’hôtellerie était…

Un animal ?
Si l’hôtellerie était un animal, ce serait un cheval pur-sang arabe.
Fière allure, port altier, regard vif et cœur généreux. Il allie puissance et douceur, précision et instinct. Le pur-sang arabe ne force jamais le respect, il l’impose par sa présence, par sa prestance naturelle. Comme dans l’hôtellerie de luxe, chaque geste est fluide, chaque mouvement a du sens.
C’est un animal de lien, de fidélité, de noblesse. Il connaît le poids du silence, l’élégance du calme, la beauté de l’effort bien fait. Il avance sans brutalité, mais avec détermination, pour porter plus loin ceux qui lui font confiance. Il incarne cette beauté tranquille, cette élégance discrète qui cherche à toucher. Il symbolise l’art de recevoir avec humilité, de faire naître l’émotion sans bruit, de faire de l’excellence une évidence.
Comme lui, l’hospitalité est un art vivant : elle transporte, elle élève, elle crée des émotions durables sans jamais hausser la voix.

Un personnage historique ?
Si l’hôtellerie était un personnage historique, ce serait Léonard de Vinci.
Parce qu’il alliait l’art et la science, la beauté et la technique, le rêve et la rigueur. Il voyait ce que d’autres ne voyaient pas encore, et il dessinait l’avenir avec précision tout en servant le présent avec grâce. Comme un grand hôtel, il savait que le moindre détail, aussi discret soit-il, pouvait transformer une expérience en chef-d’œuvre.
Da Vinci, c’est l’hospitalité dans ce qu’elle a de plus noble : la quête de perfection, l’intelligence sensible, et cette capacité à faire cohabiter le visible et l’invisible. Dans son œuvre, comme dans une maison d’exception, tout est intention, harmonie, émotion.
L’hôtellerie de demain, comme lui, devra inventer sans cesse, tout en gardant une âme

Une personnalité d’aujourd’hui ?
Si l’hôtellerie était une personnalité d’aujourd’hui, je choisirais le célèbre architecte Jacques Garcia.
Parce qu’il incarne l’art de sublimer les lieux sans jamais les figer. Il a ce talent rare de créer des univers où le passé dialogue avec le présent, où chaque détail raconte une histoire, où chaque ambiance est une émotion, et ceci représente parfaitement le travail fait dans notre Belle Maison.
Son travail ne se voit pas, il se ressent.
C’est savoir mêler raffinement, chaleur, mémoire et audace. Offrir un cocon qui n’éblouit pas, mais qui enveloppe.
Jacques Garcia, c’est le geste juste, le goût de l’élégance, l’amour du silence parlant.

Un film ou une série ?
Si l’hôtellerie était un film, ce serait Adam de Maryam Touzani.
Parce qu’il parle de silence, de gestes simples, de liens tissés dans l’ombre. Il se passe peu de choses en apparence, et pourtant, tout est là : la tendresse, la douleur, la transmission, la beauté discrète des âmes qui se frôlent.
L’hôtellerie de luxe, à mes yeux, c’est cela : l’art de l’accueil comme un acte d’amour, parfois pudique, toujours sincère. Une chaleur douce, un refuge, une émotion qui naît d’un détail, un regard, un mot juste, une lumière bien posée.
Adam ne cherche pas à impressionner. Il émeut, il touche, il reste. Comme un grand hôtel ne doit pas simplement être vu, mais profondément ressenti.

Un livre ?
Si l’hôtellerie était un livre, ce serait L’Alchimiste de Paulo Coelho.
A travers ce livre on parle de voyage, de rencontres, de transformation. Nos hôtes ne cherchent pas seulement un lit, un café ou un plat : ils cherchent un instant de vérité, une émotion, un signe. Et le rôle de l’hôtellerie, c’est d’être ce point d’étape lumineux, silencieux, mais marquant.
L’hôtellerie de luxe, comme ce livre, parle un langage discret : celui des symboles, des attentions, de la chaleur humaine. Elle ne promet pas de tout changer elle promet juste un moment de déconnexion, d’alignement et parfois, dans ce monde en constant mouvement c’est tout ce dont on a besoin pour continuer le voyage

Un plat gastronomique ou une pâtisserie ?
L’éclaté de homard bleu au vin jaune, ravioles à l’oseille et morilles.
Un véritable chef-d’œuvre que j’ai eu le privilège de découvrir durant mes années passées aux côtés du légendaire Chef Georges Blanc, à Vonnas.
Ce plat m’a profondément marqué : par la justesse de ses saveurs, son harmonie rare, et cette émotion gustative que je n’ai jamais retrouvée ailleurs. Il incarne à mes yeux bien plus qu’une prouesse culinaire : il est le souvenir vivant de mes plus belles années dans ce haut lieu de la gastronomie, de ces moments partagés avec des professionnels passionnés et inspirants.
Aujourd’hui, en repensant à ce plat d’exception, je tiens aussi à adresser une pensée sincère et tout mon soutien au Chef Blanc, à Monsieur Pichon, directeur de salle, ainsi qu’à l’ensemble des équipes de la Maison, à la suite de la perte de leur troisième étoile. Leur engagement, leur exigence et leur passion restent pour moi une source d’inspiration et d’admiration inaltérable.

Un vin ?
Sassicaia 2015 en magnum.
Un des joyaux de l’œnologie italienne, reconnu mondialement comme un vin d’exception. Souvenir d’un déjeuner remarquable en compagnie de Robin Salvadori au Grand Hôtel de Saint Jean Cap Ferrat.
J’ai un amour particulier pour le vin car, au-delà de la bouteille, il est un langage universel de partage et d’émotion. Il rassemble parce qu’il crée une parenthèse. Un bon vin appelle une table. Une table appelle des mots. Des rires. Des silences aussi. Il y a dans le vin une forme de générosité naturelle et il est l’invitation à se réunir et profiter ensemble de l’instant présent tout simplement.

Un souvenir de la Luxury Hotelschool ?
Au-delà de l’excellence du corps professoral et de la relation étroite que nous entretenions avec nos enseignants (relation qui, chaque jour, favorisait notre épanouissement personnel et professionnel) un souvenir en particulier m’a profondément marqué : la soirée caritative PLAY, organisée au Shangri-La Paris.
J’ai eu l’honneur d’y être convié, aux côtés de deux autres étudiants de l’école. Découvrir les salons historiques de ce joyau de l’hôtellerie fut une expérience saisissante, presque irréelle. Ce lieu emblématique du luxe parisien nous ouvrait ses portes non seulement pour une cause noble, mais aussi pour nous offrir un moment de grâce et d’inspiration.
Lors de ce dîner caritatif, nous avons partagé la table de sportifs de haut niveau, dont une joueuse de l’équipe de France de basketball, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger. Ce contact humain, simple et fort, dans un cadre aussi exceptionnel, a donné à cette soirée une dimension unique.
Nous étions également accompagnés du président de l’école et de membres de la direction, ce qui a rendu les échanges encore plus riches. Les voir, en dehors du cadre académique, si accessibles, si humains, a renforcé ce sentiment d’appartenance à une école pas comme les autres.
Cette soirée a été pour moi un véritable déclic. Elle a confirmé, avec évidence, que c’est précisément dans cet univers fait de raffinement, d’émotion et de relations vraies que je souhaitais évoluer. Ce n’était pas qu’un bel événement : c’était une révélation.